Madame le Ministre de la Salubrité, écoutez les pleurs des pauvres commerçants !

Article : Madame le Ministre de la Salubrité, écoutez les pleurs des pauvres commerçants !
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19 octobre 2012

Madame le Ministre de la Salubrité, écoutez les pleurs des pauvres commerçants !

Triste de voir les pauvres commerçants, s’armer de gourdins et de pierres, faire face aux unités des forces de l’ordres lourdement armées. Encore plus révoltant, c’est de voir ces mêmes commerçants penchés sur les débris de leurs étables, les larmes aux yeux et leurs bouches hurlant des prières, des supplications, des flots de malédictions.

Personnellement, je n’étais pas dans la commune d’Abobo, je vis à la campagne, dans la paisible et reposante ville de Toumodi. Mais j’ai reçu, depuis le début de la semaine des dizaines de photos des évènements qui s’y produisaient.

Pour comprendre les évènements  j’ai visité des dizaines de sites et de blogs, parcouru tous les journaux papiers. En plus, j’ai passé de longues heures aux téléphones avec des amis qui résident encore à Abobo.

Et finalement j’ai tout compris. Je sais ce que peuvent ressentir tous les commerçants de la gare d’Abobo, car j’ai moi même tenu pendant trois années, après l’obtention d’une maîtrise d’économie, une échoppe dans un marché.

Par conséquent, je ne ferrai pas le reporter, relatant des manifestations suite à une opération de déguerpissement des commerçants de la gare d’Abobo par le ministre de la salubrité. Je ne ferrai pas non plus le politicien, cherchant à expliquer la résistance aux forces de l’ordre ou à les condamner.

Je sais ce qu’ est une insalubre baraque en bois occupant illégalement l’espace public: des repas, des vêtements, de l’argent, de l’espoir.

Alors tout ce que je vois, c’est la révolte de pères et mères  à qui, au motif d’assainissement, le gouvernement de la république de Cote d’ivoire vient d’arracher le moyen de nourrir leurs familles. Je vois aussi le désespoir de jeunes diplômés à qui l’Etat n’offre aucune opportunité de trouver du travail mais vient d’enlever la source d’espérance.

Que vaut une avenue bien tracée et propre, par rapport à des milliers d’enfants qui pleurent, ventre creux. A quoi d’autres peuvent servir  les quelques centimètres de trottoirs  qui soient préférables aux biens êtres de milliers d’enfants et de chômeurs.

C’est beau une ville propre et bien ordonnée. Abidjan aurait du être ainsi, salubre et bien organisé. Mais peut-on raisonnablement vivre pauvre, sans emploi, ventre creux, la famille mourante, sans espace dédié aux activités informelles, dans une ville belle, moderne, ordonnée et salubre.

Cela fait maintenant cinq jours que des familles sont sans ressources, des milliers de familles, pour que Abidjan soit plus belle. Cela fait cinq jours , que des enfants, crevant la dalle, ne peuvent plus aller à l’école. Cela fait jours, que des mères et des pères, des bras valides, des tètes pleines doivent s’endetter, pleurer et rester inactifs.

Madame le ministre de la salubrité, Mammy bulldozer pour les victimes, Abobo et Abidjan sont moins insalubre, et leurs habitants sont plus pauvres et plus désœuvrés. Vous avez fait votre boulot, même si cela ne vous empêchera pas de dormir, écoutez nos pleurs.

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